Quand le nombril fait oublier le monde

16 janvier 2019

La nouvelle année est à peine commencée qu’elle nous fait sombrer

dans une immense perplexité. Cela fait maintenant une quinzaine de jours que les événements (et les médias qui nous en informent) nous font complètement oublier que le monde existe. Nous n’entendons que gilets jaunes, débat national, pouvoir d’achat, limitation à 8O, revendications en tous genres. Mais qui a entendu,  au milieu de ce tintamarre de mécontentement, les pleurs de 49 migrants monter des flots de la Méditerranée ? D’un côté une colère légitime exprimée cacophoniquement, soutenue souvent « entre guillemets » et malgré tout entendue et écoutée ; et d’un autre, un désespoir inaudible et totalement évacué.

Et pendant ce temps-là, on aura beaucoup parlé de mépris de la part des dirigeants vis-à-vis des concitoyens, des riches vis-à-vis des pauvres, des citadins vis-à-vis des ruraux, et cela souvent à juste titre. Le problème est que ce mépris est largement partagé par tout le monde, y compris par ceux qui s’en prétendent victimes. « Après tout, ces 49 migrants, ce n’est pas notre afrfaire », a-t-on entendu sur un rond-point. Si ce n’est pas là du mépris, c’est de l’indifférence fraternelle ! Une constatation désabusée que Dietrich Bonhoeffer faisait en prison en 1944, et qui semble toujours aussi pertinente : "J'observe ici régulièrement qu'il y a peu d'hommes capables d'héberger en eux simultanément beaucoup de choses ; quand les avions approchent, ils ne sont que peur ; quand ils ont quelque chose de bon à manger, leur avidité triomphe ; lorsqu'un désir reste inassouvi, ils ne sont que désespérés, et lorsque quelque chose réussit, ils ne voient plus rien d'autre. Ils passent à côté de la plénitude de la vie et de l'intégralité d'une existence propre ; la réalité tant objective que subjective se désagrège pour eux en morceaux". C’est peut-être ce que nous sommes en train de vivre ces jours-ci : passer à côté de la plénitude de la vie !

 

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