Parmi eux venait chaque jour un mendiant qui offrait au roi une pomme, sans rien dire. Le roi acceptait ce geste, mais avait de la peine à dissimuler son agacement. A peine le mendiant avait-il tourné le dos, qu'il se mettait à le ridiculiser. Cela ne décourageait pas le mendiant, qui continuait à venir, chaque jour, déposer son menu cadeau, et le roi déposait machinalement la pomme dans une corbeille près du trône. Un jour, la corbeille commença à déborder. Et voilà qu'un singe, le singe préféré du roi, se saisit de l'une de ces pommes, en croqua un morceau et le cracha aux pieds du roi. Stupéfait, le souverain vit apparaître au cœur du fruit une perle précieuse.
Voilà une bien belle histoire, qui nous pose une toute petite question: à quoi faut-il faire attention ? A la pomme ou au cœur de la pomme ? Au cœur d’une tradition qui en fait la qualité ou aux aspects extérieurs de cette tradition ? Aux avalanches des informations nous habituant peu à peu à toutes les violences ou aux drames humains provoquées par chacune de ces violences ? A la mine parfois repoussante de certaines personnes ou aux appels au secours manifestés par leurs regards brûlants ? Pour vivre, ce qui est premier, c'est le cœur, c’est l’amour don de soi, qui permet de voir plus loin que le bout de son nez, « puisqu’on ne voit bien qu’avec le cœur » (Saint-Exupéry).
Et quand on a ce regard, on risque beaucoup moins de nous accoutumer à des choses intolérables, et donc de verser dans l’indifférence. Un proverbe indou dit : « Vivre sans lire, c’est dangereux, car cela oblige à croire ce que l’on nous dit ». C’est ce qui fait dire au Pape François à propos de l’Ukraine : «Ne nous habituons pas!», en souhaitant que « le temps qui passe ne refroidisse pas notre douleur et notre préoccupation pour ce peuple martyrisé». Oui, ne nous habituons pas, et pour cela regardons le cœur de la pomme !
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