On l’entend entre autres souvent dans la bouche des sportifs, qui visent à faire toujours mieux. Mais aussi dans la bouche de nombreuses personnes, qui écoutent, regardent, et découvrent un tas de choses extraordinaires dans l’ordinaire des gens. Et tout cela m’est revenu à l’esprit, en relisant l’appel de Jésus dans l’évangile : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5, 48) ! Nous sommes donc appelés à être extraordinaires, car, dit encore Jésus, vous ne faites rien d’extraordinaire tant que vous n’aimez que ceux qui vous aiment : pour faire de l’extraordinaire, il vous faut aimer vos ennemis ! Bigre ! Performer en sport, d’accord ; sauver quelqu’un en train de se noyer, d’accord ; faire trente fois l’Himalaya, d’accord ; mais aimer ses ennemis, pardonner à ceux qui font la guerre et qui tuent ; tendre la main à mon voisin « connard », non : ça n’est plus de l’extraordinaire, c’est de la bêtise !
Et pourtant ces enfants d’une tribu sud-africaine peuvent nous aider à penser autrement et à grandir. En effet un anthropologue leur avait proposé le jeu suivant : « je vais déposer un panier de fruits près d’un arbre, et quand je donnerai le signal du départ, vous courrez le plus vite possible et le premier arrivé gagnera tous les fruits ». Surprise ! Au signal, tous les enfants se sont élancés en même temps en se donnant la main ! Puis ils se sont assis tous ensemble pour profiter de leur récompense. « Ubuntu, a dit l'un d'eux, comment l'un d'entre nous peut-il être heureux si tous les autres sont tristes ? »... Ubuntu signifie « Je suis parce que nous sommes » ! En voilà de l’extraordinaire !
Viser l’extraordinaire, c’est ça : c’est faire surgir un monde nouveau de fraternité, et la fraternité ne se contente pas de l’ordinaire. La fraternité, c’est un monde où nous allons pouvoir dire : « nous sommes heureux si tous les autres sont heureux, même si parmi ces autres il y a un ennemi dont la « bouille » ne nous revient vraiment pas ; dans ce cas, l’extraordinaire consiste à prier pour lui, à lui pardonner et à partager avec lui « le panier de fruits ».
Pour un chrétien, ce n’est pas banal, car « pratiquer », comme on dit, c’est viser l’extraordinaire, à savoir rejoindre l’amour du Père en étant ses filles et ses fils, et donc en vivant comme des frères et des sœurs qui savent qu’il n’y a pas de vraie relation fraternelle sans sortir de l’ordinaire. Certains ont dit ça autrement : « essayons de faire extraordinairement bien ce qui est ordinaire ».
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