Soudain le prix des combustibles a baissé, la pollution a diminué, les gens ont du temps, tellement de temps qu’ils ne savent même pas quoi en faire, et surtout on a l’impression que plus rien ne bouge, que tout s’est arrêté ! C’est quand même drôle, à notre époque dite « de modernité », caractérisée par le fait que le mouvement y prend toute sa place. Le confinement a été en quelque sorte une réponse à un livre récent écrit par François-Xavier Bellamy (Flammarion) et qui s’intitule : « Demeure pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel ».
C’est vrai : nous avons été invités à demeurer, à rester à la maison, à ne pas trop bouger (surtout pour les personnes à risque). Alors qu’à longueur de journées, nous sommes sollicités de toutes parts pour nous mettre à la mode, pour nous ajuster exactement au mouvement le plus récent, ce qui nous impose en principe un mouvement permanent. « Car, comme le dit Bellamy, ce qui est aujourd’hui en vogue sera demain absolument démodé » : d’où le risque d’être très vite dépassés, si nous ne sommes pas assez rapides pour nous adapter au nouveau signe des temps !
Mais, que voit-on avec le « déconfinement » ? Le mouvement a l’air d’être revenu, la consommation (même des voitures) semble avoir repris du poil de la bête, les « règles-barrières » non-respectées ne barrent plus rien, la pollution a repris de l’énergie : ouf, on respire ! On ne réfléchit plus : on vit le mouvement présent, on reprend la vie d’avant, on se fait pardonner le péché d’immobilisme qui empêche d’innover, et on n’a pas du tout envie de porter un masque qui pourrait cacher notre humeur à nouveau triomphante !
Alors, demeurer ou bouger ? Quelqu’un m’a dit que le confinement « lui avait donné l’occasion de demeurer à la maison, et de réfléchir à une question toute bête devant les difficultés (très provisoires !) de l’approvisionnement de certains produits alimentaires : ne suis-je pas privilégié de pouvoir me demander « Qu’est-ce que je vais manger aujourd’hui ? » plutôt que « Est-ce que je vais manger aujourd’hui ? ». Voilà de quoi nous dire qu’il est sans doute bon de s’arrêter, de demeurer pour réfléchir et ensuite de bouger pour répondre.
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