Combien de temps avez-vous mis pour le réaliser, demanda-t-il au potier ? – Quinze ans, rétorqua l'artiste, le plus naturellement du monde. Comment ça, répondit l'homme, étonné ? Expliquez-moi. – Volontiers, monsieur. C'est-à-dire qu'avant de réussir celui que vous admirez, j'en ai raté et cassé des dizaines. Voilà pour ma petite parabole.
Le père Jules Chevalier a écrit que nous ne devons pas nous décourager de nos défauts, car un chêne ne devient pas un chêne en un jour. Il lui faut des années. Il en va ainsi de nous tous. Mais dans une société de vitesse, de stress et de compétition, avons-nous encore le temps de faire du beau, du vrai, de l'authentique ? Prenons-nous le temps de faire des choses de qualité, des choses qui durent, qui affrontent le temps, qui prennent de la valeur au fil du temps. Le contraire du tout jetable, y compris certains humains de nos périphérie considérés comme des déchets, ce que fustige le Pape François.
La qualité, le soin, l'attention que l'on porte aux tâches les plus quotidiennes et aux objets eux-mêmes, ne sont-ils pas les signes d'une liberté intérieure face aux mille gadgets de notre société de consommation et du jetable ? Saint Benoit a dit tout le mystère des objets bien faits et faits pour durer dans cette petite phrase : il faut "considérer tous les outils du monastère comme des vases sacrés de l'autel" (Règle de saint Benoit, 31, 19-20). "Rien n'est plus éloigné du véritable esprit chrétien que le mépris des réalités matérielles", écrit Maurice Zundel.
Les moines et les moniales s'accommodent mal d'une civilisation du jetable. Ils aiment les tissus qui tiennent, les outils que l'on peut réparer soi-même, le bois massif plutôt que le plaqué, les fleurs vivaces plutôt que les annuelles, la pierre ou le grès plutôt que la moquette. La matière à respecter et à diviniser, c'est aussi la relation au temps et aux personnes. "Ni trop ni trop peu, ni trop près ni trop loin, ni trop tôt ni trop tard", écrivent les moins bénédictins d'En Calcat. C'est la discretio ou le vrai discernement.
Tout comme un vase d'argile, un être humain a besoin de temps pour se faire, pour devenir, pour faire de sa vie une œuvre d'art.
Artiste par excellence, Dieu sait nous façonner, nous pétrir longuement, nous reprendre entre ses doigts d'artiste.
"Moi, dit Dieu, je crois en l'homme,
mais toi, homme,
crois-tu en moi, ton Artiste ?"
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